Qui veut gagner des Oscars?
Comme vous le savez, j’aime beaucoup les biopics, surtout ceux qui s’emploient à caser en deux petites heures la totalité d’une vie, de la naissance à la mort, façon Ray ou La Môme. Comme vous le savez également, je trouve que Clint Eastwood est particulièrement en forme ces dernière années, entre son très subtil dyptique sur Iwo Jima, L’échange dans lequel Angelina Jolie joue très très bien, Gran Torino qui n’est pas du tout ridicule et Invictus qui est vraiment très instructif. Et comme cela ne vous a sûrement pas échappé non plus, je souscris pleinement au fait que Leonardo DiCaprio est le meilleur acteur de sa génération. Donc autant vous dire que j’attends avec impatience J. Edgar -le biopic du légendaire directeur du FBI, réalisé par Clint et interprété par Leonardo- dont la bande-annonce qui vient de tomber surpasse toutes mes espérances:
A ce stade, je ne suis pas convaincu qu’on puisse véritablement parler de bande-annonce, tant la chose semble moins destinée au public qu’aux votants des Oscars, dont on peut légitimement se demander s’ils accepteront de mordre à un hameçon aussi pachydermique.
Examinons cela de plus près, si vous le voulez bien.
L’incontournable palette délavée de Clint, check. Un drainage de couleurs qui nous annonce avec solennité que, attention, voilà un film SERIEUX qui mérite considération, chers votants des Oscars. Pas comme tous ces films plein de couleurs qui ne sont pas sérieux du tout. Encore un effort Clint, le noir et blanc n’est plus très loin!
Le carton magique! Celui-ci nous fait savoir que ce film a vraiment de L’IMPORTANCE et mérite donc bien de gagner des Oscars, parce que les histoire vraies, il n’y a que ça de vrai. Contrairement aux fictions qui ne débitent que des âneries inventées, et sont donc intrinsèquement futiles.
Une voix-off qui annonce gravement des vérités très PROFONDES sur une vieille télé diffusant des images d’archives (parce qu’il s’agit d’une histoire VRAIE, rappelons-le) sur laquelle on peut apercevoir un président (et pas n’importe lequel, ce véritable magnet à Oscar de Nixon, figure centrale des Hommes du Président, JFK, Nixon et Frost/Nixon): voilà un film QUI RACONTE DES CHOSES ou je ne m’y connais pas! Et cette voix d’éternel adolescent qui joue avec application les vieillards, ça sent l’Oscar à plein nez!
OMG! Leo, est-ce bien toi? Mais il est MECONNAISSABLE! Voilà qui mérite un OSCAR! MAIS COMMENT IL RESSEMBLE TROP A J. EDGAR HOOVER C’EST FOU! Comment ça je ne sais pas quoi à ressemblait Hoover ? Peu importe, je suis persuadé qu’il ressemblait à Leonardo avec son maquillage et sa perruque! Et cet accent si réaliste! Je peux d’ores déjà vous affirmer que Leonardo ne se contente pas de JOUER Hoover dans ce film: il EST DEVENU Hoover. Ca fait peur.
Les choses sérieuses commencent. Apprenez, chers spectateurs éblouis, qu’avant de devenir le directeur diabolique du FBI, Hoover a été un ENFANT! Un enfant traumatisé par des traumatismes sans nul doute très traumatisants! Un enfant qui mérite à n’en pas douter un OSCAR!!!
Mais qui vois-je? Notre-Dame-des-Oscars elle-même, Dame Judi Dench, actrice oscarisée, spécialisée dans les rôles de vieilles biques distinguées dans des production haut de gamme! Une actrice de théâtre anglaise avec un accent chic pour jouer la maman de Hoover, pouvait-on rêver mieux pour ajouter au PRESTIGE de ce film fort PRESTIGIEUX? Même en pilote automatique, gageons que Dame Judi donne dans ce film une performance digne d’une septième nomination, voir même d’un second Oscar!
Mais attendez, chers votants, ce n’est pas tout! En plus de Dame Judi, voici une seconde concurrente à l’Oscar du second rôle! Regardez-bien, non, ce n’est pas du papier peint, mais bien Naomi Watts, cette grande ACTRICE, qui a quand même teint ses cheveux en marron et accepté de porter un gilet super moche afin d’incarner avec beaucoup de SUBTILITÉ la fidèle secrétaire d’Hoover, Helen Gandy! Tant d’abnégation au service de son art, est-ce que ça ne mérite pas un OSCAR?
Admirez comme Leonardo fronce bien les sourcils! Qu’attendez vous pour lui donner l’OSCAR qu’il mérite pour toutes ces années passées à jouer les grandes figures historiques, les débiles mentaux et les fous?
Et regardez, il y a même un KENNEDY! Même que Hoover l’appelle KENNEDY et qu’il y a écrit KENNEDY sur son bureau, au cas ou on n’aurait pas remarqué que c’est un KENNEDY! Un KENNEDY, ça mérite bien OSCAR, non?
Pourquoi diable attendre le mois de Février? Par la simple force de son interprétation, ce type peut se transformer en Raymond Barre. Donnons-lui un Oscar tout de suite.
Que vois-je? Il y a MÊME une suggestion d’homosexualité? Mais oui, car le scénario est signé par nul autre que Dustin Lance Black, le scénariste oscarisé de Milk, un autre biopic gay à Oscars! Mais attention, pas trop, sinon on risquerait de passer à côté de la cargaison d’Oscars attendue, comme Brokeback Mountain! Clint lui-même a mis la pédale douce: « Ce n’est pas un film sur deux types gays! C’est un film sur un type qui a manipulé tout le monde autour de lui et et à réussi à se maintenir face à neuf présidents. Je me fous complètement de savoir s’il était gay ou pas! » Bien vu Clint! Pourquoi un biopic devrait-il s’intéresser à la vie privée de son sujet? D’autant qu’être un homosexuel honteux durant ces années-là tout en occupant une des plus hautes fonctions du pays, cela n’avait probablement aucune incidence sur le comportement du bonhomme! Et Leonardo d’enchaîner: « Si j’étais joueur, je ne sais pas sur quoi je parierai [concernant sa sexualité]. » Bonne idée Leo, le mieux est de ne pas faire de choix, surtout quand on est acteur et qu’on doit interpréter le type en question!
Aaah, l’inévitable scène de ménage avec cassage de vaisselle, indispensable à tout film à Oscar qui se respecte! En plus, le rôle de la femme dévouée est interprété par Armie Hammer, qui jouait non pas un, mais DEUX types dans The Social Network, un film qui a gagné plein d’Oscars l’année dernière! Un type qui peut passer des frères Winklevoss à Jennifer Connelly? Un seul mot me vient à l’esprit: OSCAR!
Ouh et ce n’est pas fini! Il y a aussi la scène ou notre héros tient la main de sa chère maman mourante, tandis que celle-ci lui prodigue des derniers conseils qui le MARQUERONT A JAMAIS! Regardez, Leonardo pleure derrière ses lentilles marrons! IL PLEURE, QUE DIABLE VOULEZ DE PLUS ? Il peut avoir son Oscar maintenant?
Hoover est sur un CANAPÉ ! UN CANAPÉ NOM DE DIEU! Et il est VIEUX et MOCHE, alors que Leo est JEUNE et BEAU, c’est pas fort ça? Et il est TRISTE! Et il FRONCE LES SOURCILS! Et il est TOUT GRIS! Et il y a même une LAMPE, UNE LAMPE QUI A SANS NUL DOUTE GAGNÉ PLEIN D’OSCARS DE LA MEILLEURE LAMPE! ALLEZ SOYEZ SYMPA, DONNEZ LEUR DES OSCARS, A LEO ET A CLINT ET A TOUT LE MONDE DANS CE FILM, SINON ILS NE S’ARRÊTERONT JAMAIS, ILS CONTINUERONT A FAIRE DES BIOPICS ATROCES JUSQU’A LA FIN DES TEMPS, ALORS PAR PITIÉ, DONNEZ LEUR CES PUTAINS D’OSCARS QU’ON EN FINISSE!