Etre un mauvais coup et ne pas le savoir (post destiné aux femmes)
Être est un mauvais coup, c’est dur. Mais relativisons, ne pas donner de plaisir à son partenaire c’est moins grave que tirer le sac-à-main d’une vieille dame dans la rue par exemple. Être avec un mauvais coup, ça n’est pas simple non plus: très souvent, partager de nombreuses et frustrantes nuits avec le dit mauvais coup amène à des dilemmes cornéliens qui finissent par nous pourrir l’existence: dois-je le lui dire au risque de la froisser? Saura-t-elle entendre mes doléances pour s’engager sur la voie du progrès? Dois-je m’asseoir pour le restant de mes jours sur mon droit fondamental au grimpage de rideau? Ou bien, dois-je prendre mes clics et mes clacs et tenter de trouver mon bonheur ailleurs, tout simplement?
Apprendre à décrypter dans l’attitude d’un homme les signes qui renseigneront sur votre capacité à le « rendre heureux » sera donc la première étape de votre rédemption de mauvais coup. Face aux moins douées d’entre vous, nous les hommes, réagissons de deux manières différentes. D’abord il y a ceux qui font le choix de ne rien vous dire du tout: ceux là sont les gentlemen/poltrons. Mon pote Lucas est de cette catégorie de mecs. Lucas est persuadé que mettre des mots pour pointer l’incompétence de sa copine est, d’une part, inélégant mais surtout totalement contre-productif. Persuadé que sa partenaire est faite en sucre, il est de ceux qui se sont fait une raison: du sexe médiocre vaut mieux que pas de sexe du tout. Drapés dans leur flegme, Lucas et ses congénères guettent patiemment (ou fébrilement) le jour où la fée des nuits torrides viendra changer d’un coup de baguette magique leur dulcinée timorée en amante bouillonnante. Et puis il y a ceux qui, en vous regardant droit dans les yeux, vous révèlent que vous ne valez pas un clou au pieu et que vous avez dépassé le stade de la douceur pour atteindre celui de la mollesse. Mon autre pote Enzo est de cette race de mufles qui dit tout haut ce que les gentlemen/poltrons pensent tout bas. Dans la petite conversation post-coïtum au cours de laquelle le debriefing est courant, Enzo n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat. Au risque de se faire crever un oeil à coup de talon-aiguilles par son interlocutrice médusée, il ne se gênera pas pour comparer le sens du rythme de la jeune femme à celui d’une cuiller en bois.
J’aurais, pour ma part, tendance à appartenir à une troisième catégorie, celle des diplomates. Si je pense qu’il ne faut pas avoir peur de vous dire ce qui ne va pas (si vous êtes capables de vous épiler à la cire brûlante, vous pouvez encaisser ce genre de broutilles), il est préférable de le faire en utilisant le seul langage qui vaille, celui du corps. Guider avec ses mains peut en effet être un début de solution. Mais si je dois utiliser des mots pour rendre ma requête plus intelligible, je n’hésiterai pas à le faire. Ayant cessé de croire en cette idée naïve qui veut que des amants doivent se comprendre sans se parler, je peux causer technique sans entrave afin de jouir sans entrave. « J’aimerais que tu ailles plus vite à tel moment. J’apprécierais que tu me susurres telle cochonnerie à tel autre moment. Je voudrais que tu lèches cette partie précise de mon corps etc. » Ce genre de phrases peut sonner bizarre lorsque l’on n’est pas habitué à les formuler mais, à bien y réfléchir, elles ne sont pas plus illégitimes que celles du type « Ce serait cool si tu mettais un peu moins de poivre dans ton chili con carne ».
C’est donc l’une des vertus majeures du langage: remédier aux préliminaires bâclés, aux petits baisers plutôt inoffensifs, aux mouvements tristement répétitifs et aux chili con carne trop épicés. Si cela permet aux mauvais coups d’hier de devenir les sex machine d’aujourd’hui, alors pourquoi s’en priver? La paix des plumards est à ce prix.