Chronique d’une belle sortie de route
Ivan Levaï, journaliste, ex mari d’Anne Sinclair, sort un livre « Chronique d’une Exécution », autour de l’affaire DSK. Hier, il était invité par Pascale Clark dans son émission matinale. Ils ont parlé des 9 minutes les plus célèbres de cette année, où DSK et Nafissatou Diallo ont été seuls dans une chambre du Sofitel de New York.
Il y a dit ça: « Moi, je ne crois pas au viol. Je vous le dis tout net. Parce que pour un viol, il faut un couteau, un pistolet, etc… ». Pascale Clark tente un maigre « Pas forcément, faut forcer, violer c’est aller contre l’autre volonté… » (Bravo Pascale, la prochaine fois, qu’un de tes invités sort une connerie pareille, soit encore moins indignée, ce sera top). Et passe à autre chose.
Violer, « il faut un couteau, ou un pistolet ». D’un revers de la main, d’une seule phrase, comme ça, Levaï fait mentir toutes les femmes qui se sont « juste » fait forcer à avoir une relation sexuelle qu’elles n’ont pas consenti. Sans couteau. Sans pistolet. Il jette ainsi le discrédit sur toutes celles qui se sont « seulement » faites tabasser, sur celles qui se sont « juste » faites forcer.
La pression sociale, la force d’un puissant, d’un homme riche et reconnu, cela n’a pas d’importance pour Levaï, puisque DSK n’était pas armé.
C’est à ce jour une des choses les plus ignobles que j’ai entendu sur l’affaire DSK, puisque ces propos sortent du seul cercle de ce qui s’est passé en mai dernier dans la chambre 2806 pour entacher le calvaire et le traumatisme d’un nombre incalculable de femmes dans le monde. Ce que Levaï a dit rejoint donc immédiatement au panthéon du caniveau mysogine les sorties comme « Elle cherche aussi, avec ses fringues et son attitude ».
5 mois après les faits et l’abandon des poursuites sur le sol américain, je ne peux m’avancer à un avis sur la culpabilité, ou pas de DSK. Tout n’est que supputations et une supputation n’a jamais été une vérité. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il est inacceptable de nier ainsi aux victimes la source d’un traumatisme qu’elles garderont en elle toute une vie. Tenir ces propos, c’est quelque part valider les actes de tout homme forçant, sans pour autant la violenter, une femme à avoir une relation sexuelle avec lui. Alors bien sûr, comme dans toute affaire de viol, le doute subsiste. Quelques minutes plus tard, Levaï avance un chiffre selon lequel 10% des plaintes pour viol sont des mensonges (d’où sortent-ils, ces chiffres?). En un instant, les propos de Levaï créent un raccourci, certes pas de façon frontale, mais d’une manière beaucoup plus insidieuse. Un viol sans arme, ce n’est pas un viol et puis de toute façon, les femmes mentent.
Les faux témoignages ne sont pas l’apanage des victimes de viol, monsieur Levaï, mais à vous écouter, on dirait bien que si.
Nausée, donc.